De rage

  • Oriana Fallaci, La rage et l’orgueil, Plon, 2002, 15 euros

Jamais titre ne signifia mieux le style et la force intérieure d’aucun livre. Rédigé d’une plume superbe et servi par une traduction à la hauteur de son souffle, il rayonne de colère et de passion. Madame Fallaci, journaliste italienne résidant à New York, a écrit ce pamphlet d’un coup, d’un élan, après les attentats de septembre.

Tout de suite, elle met le doigt sur une plaie ô combien douloureuse de notre modernité : un humanitarisme trop bonasse pour voir en face la guerre quand elle est là (oh Munich !). Son livre fustige la capitulation des élites européennes (qu’elle appelle les « cigales ») face à l’Islam et dénonce, exemples vécus à l’appui, la terrible réalité quotidienne dans les pays musulmans, en particulier pour les femmes.

Madame Fallaci rappelle opportunément que nombre de musulmans ont – au moins dans leur cœur – déclaré la Djihad au monde occidental. Les attentats contre les Américains et la réaction des populations du Moyen Orient l’ont révélé publiquement. Or il n’est pour elle pas question de se plier à cette croisade inversée.

L’Islam – qu’elle connaît bien pour l’avoir souvent fréquenté dans son métier de grand reporter – n’est pas seul à recevoir ses foudres. Les « cigales » en ont aussi pour leur grade. Les Français en particulier, Jacques Chirac en tête. Et les grandes figures de la révolution. Et ses confrères journalistes et écrivains. Et les autres chefs d’État européens. Et l’Église. Etc. Tout le monde y passe, ou presque !

Elle-même a ses complaisances à l’égard des États-Unis et d’Israël, et sa dénonciation est parfois excessive, mais elle est toujours saine. En contrepoint de ses imprécations, elle développe un magnifique plaidoyer pour nos cultures européennes, où les œuvres chrétiennes ont la première place… Son livre est une grande claque qui réveille. Merci, Madame Fallaci !

Si les censeurs hurlent volontiers au racisme et à l’amalgame en relevant de-ci de-là des expressions qui heurtent leurs pudibondes oreilles, négligeons-les. Ce cri déchirant de colère et magnifique de fierté monte trop haut pour être arrêté par aucune police des mœurs.

Guillaume de Lacoste Lareymondie